Afrique-Europe, défi du XXIe siècle

Jean Boissonnat Les drames de ces dernières semaines en Méditerranée nous alertent sur ce qui sera l'un des plus grands défis du XXIe siècle. À savoir le voisinage de deux évolutions démographiques inverses au cours de la première moitié de ce siècle. L'Europe se dépeuple tandis que la population africaine continue d'exploser. L'Europe se dirige vers une perte de 30 à 50 millions de personnes à l'horizon 2050, ce qui la ramènerait autour de 700 millions d'habitants. L'Afrique, elle, va voir presque doubler sa population. Elle passera d'un peu plus d'un milliard d'habitants au début du siècle à plus de deux milliards en 2050. Rappelons qu'il n'y a pas si longtemps, elle était beaucoup moins peuplée que notre continent. Au milieu du XXe siècle, elle comptait à peine plus de 220 millions d'habitants contre 500 millions en Europe ! À cette époque, c'était un continent inoccupé que les Européens avaient d'ailleurs contribué à vider en y prélevant pendant plusieurs siècles des millions d'esclaves pour peupler les Amériques. En l'espace d'un siècle, donc, du milieu du XXe au milieu du XXIe, la population de l'Afrique aura été multipliée par dix, tandis que celle de l'Europe n'aura augmenté que de moitié. Pour ne plus représenter, vers 2050, que le tiers de celle de l'Afrique. Alors qu'elle en était plus du double cent ans plus tôt. Ces variations donnent d'autant plus le vertige que, dans le même temps, les moyens de communication entre les continents ont continué d'exploser avec les outils informatiques. Les Africains regardent tous les jours à la télévision comment vivent les Européens et se demandent : « Pourquoi pas nous ? » La seule issue Certes, entre les deux continents, existe une frontière naturelle : la mer. Ce n'est pas rien, même si cette frontière est étroite : quelques kilomètres à Gibraltar, quelques centaines de kilomètres entre la Libye et l'Italie. Mais il est impensable d'en faire un mur infranchissable. Au-delà des efforts que les Européens, et les autres pays, doivent faire pour mieux maîtriser les déplacements actuels, il faut prendre conscience que la seule solution est ailleurs : dans le développement de l'Afrique. Or sa principale richesse n'est pas dans ses terres ou dans ses minerais, mais dans ses hommes. L'Afrique dépeuplée du milieu du XXe siècle n'avait aucune chance de se développer. Celle d'aujourd'hui et de demain a le meilleur atout pour y parvenir : sa population. Certes, elle doit en maîtriser l'évolution, mais les outils sociaux et techniques pour y parvenir sont à sa portée. Déjà, un pays comme la Tunisie a ramené sa fécondité au niveau de celle de la France. Pour avancer dans le développement, il faut d'abord que ces pays progressent dans la construction d'États, avec des structures juridiques et administratives efficaces. Ce qui ne veut pas dire qu'elles seront tout de suite démocratiques comme les nôtres, et partout. Il faut que l'éducation des garçons et des filles progresse plus vite. Des aides financières seront aussi nécessaires, mais elles seront inutiles si les États locaux ne sont pas organisés pour les utiliser efficacement. L'avenir de l'Afrique, ce sont les Africains.

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